La Centrale Frontenac

Sous la Promenade de la gorge de la rivière Magog, accessible par la promenade ou par la rue Frontenac, un belvédère domine la rivière, c’est la Centrale Frontenac, maintenant hors fonction. On peut faire face à la chute ou suivre du regard le courant de la rivière. Laissez-vous voyager.

Cet épisode fait partie d’un balado poétique: huit lieux au cœur de Sherbrooke, huit œuvres sonores, à écouter sur place ou dans le confort de votre foyer.

« Eau de vie, eau de mort... Un bateau pour voyager entre les mondes, une rivière comme une route. Longue est la rivière, sinueuse est sa course aux mille détours, de l’eau chaotique des origines à la fontaine de Jouvence...» Un lieu de puissance et de beauté, qui nous a parlé d’eaux mythiques. Une exploration du rapport physique et spirituel avec les eaux.

Christine Bolduc

20 juin 2022 : Ici, l’eau creuse la pierre à coups de caresses. Des millénaires de jeux amoureux.

Grain de poussière devant la force et l’immuabilité. Il y a plus grand que moi et ça me fait du bien. Un jour, je serai une mémoire. Puis l’écho d’une mémoire. La rivière sera encore là. La rivière est une vieille sage.

Le rocher a connu Mathusalem. Le monde est vert l’été. J’habite le vert et le vert m’habite.

La brise est douce, les feuilles bougent à peine. Sauf celles du peuplier faux-tremble. Il s’agite, comme toujours. Le peuplier me fait penser à ma tante Fernande.

Sur le belvédère au-dessus de moi, il y a un couple. S’inventent-ils des histoires sur moi ? Moi je leur invente une histoire d’amour et de trahison.

Le quiscale, dans les craques de la falaise, cherche. Que peut-on chercher, si haut perché, dans le tranchant du monde ?

Le débit de la chute est contrôlé par l’homme. Je me demande ce qu’en pense la rivière. Attend-elle le grand déluge pour se venger ?

Je m’habitue peu à peu à marcher sur un grillage au-dessus du vide. J’ai des envies de me faire acrobate et de rejoindre la rivière. Étancher ma soif, me rafraîchir, partir avec le courant, voyager par une veine de la terre.

Quel impact inconscient, un lieu, un paysage, peut avoir sur nous ? La rivière coule, le courant est fort. Étrangement, c’est le lieu de notre parcours où nous n’avons pas encore trouvé notre fil conducteur. Des idées passent et repartent, elles ne s’accrochent pas, sauf pour de vagues impressions, comme si la puissance du courant emportait aussi les idées et les réflexions. Un lieu purificateur ?

Mon esprit veut suivre le courant. J’aimerais descendre la rivière, mais le courant est trop fort. Il y a une bataille de forces opposées, quelque chose lutte malgré moi. Est-ce que la lutte peut devenir création ? Il y a des luttes dans toute création, mais la création elle-même nécessite un lâcher-prise.

Un petit trou dans les arbres donne sur la fenêtre d’une maison qui d’ici, semble juchée tout là-haut. Si quelqu’un nous regarde de cette fenêtre, que perçoit-il de notre présence ?

L’automne peint les feuilles des arbres de teintes vives et chaudes. Bientôt, ce lieu sera gris et brun. Pierre, métal, bois, terre, limon. Un nouveau paysage s’offrira à nous dans ce même lieu que nous tentons d’apprivoiser depuis des mois, y parvenant avec beaucoup de lenteur. Que nous réserve la nudité des arbres ?

7 novembre 2022 : Comme dans ce lieu, les mots prenaient leur temps, nous avons décidé de les devancer, en invitant des hommes de parole, des conteurs. Pourquoi des hommes ? Comme en septembre nous avions rassemblé des femmes à la fontaine parce que, entre autres, la fontaine nous inspirait quelques éléments plus féminins, il est devenu normal et intéressant de rassembler des hommes à la Centrale Frontenac, qui nous inspirait quelques éléments masculins. Après avoir été surprises, 2 jours auparavant, par l’accès fermé à la centrale, nous nous sommes repliées sur le belvédère qui domine la centrale, ce coin que nous avions négligé jusqu’ici. Tout est bien qui finit bien, c’était l’endroit idéal. À la lumière des lanternes et sous l’éclat de la lune, Claire et moi avons partagé le boire et le manger, les hommes ont partagé la parole, des histoires, ce que le lieu leur inspirait. Et nous les avons écoutés avec le plus grand plaisir. À la fin, la petite pierre colorée que nous leur avions fait choisir à l’arrivée et qu’ils ont gardée dans la main ou près du corps a été lancée à la rivière. Ces pierres appartiennent maintenant à la rivière. Lorsque nous regarderons la rivière à cet endroit, nous saurons que la rivière porte maintenant le souvenir de cette rencontre.

Claire Jean

7 hommes de paroles installés au-dessus de l’eau. Christine avait posé des coussins, des tissus pour le confort et pour créer une forme d’intimité. Les hommes ont chuchoté, affirmé, raconté la rivière, la centrale. On a écouté. J’ai préparé et gardé au chaud les feuilletés d’épinards. J’ai versé le vin aux hommes pour délier les langues.

Des rythmes de discussion,

tantôt en survol, entre ciel et terre,

tantôt profond dans la pierre.

Tantôt trajet historique,

tantôt souvenir d’adolescence.

On s’attendait à autre chose, sans savoir quoi.

On attendait quelque chose. On cherche encore quoi.

7 hommes à la sensibilité féminine.

Pas des queers, pas des iels, pas des non genrés,

des hommes,

des amis,

des pères.

Au loin, en bruit de fond, la Centrale hydroélectrique omniprésente, presque trop. Symbole de la force de vie, de la testostérone canalisée. Binaire, non binaire ? Est-ce que chaque élément tellurique est genré ou non genré ?

On a donné aux hommes de paroles une petite pierre qu’ils ont gardée dans leur paume. À la fin de la rencontre, ils ont lancé cette petite pierre à la rivière. Pierres qui coulent, s’écoulent, roulent, s’écroulent quelque part dans les eaux douces ou tumultueuses. Des pierres qui continuent à vivre.

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