La fontaine du Lac-des-nations

Sur la promenade du Lac des Nations, au coin des rues Esplanade et Vanier, il est une fontaine. Elle rappelle les anciens bassins où les femmes se rencontraient pour laver le linge, mais aussi pour échanger, discuter, chanter en travaillant. Assis au bord de la fontaine, on peut sentir la fraîcheur de l’eau et observer les enfants qui sont attirés par sa musique. Ouvrez les oreilles et le cœur.

Cet épisode fait partie d’un balado poétique: huit lieux au cœur de Sherbrooke, huit œuvres sonores, à écouter sur place ou dans le confort de votre foyer.

« Il m’arrive de voir défiler dans ma tête, celles qui ont fait ce geste avant moi, ce geste ancré dans mes chairs. » Les thèmes de la transmission au féminin et de la sororité ont été notre point d’ancrage pour la création de cette œuvre. En trame de fond, des chants de femmes, rassemblées à cette même fontaine.

Christine Bolduc

Chaque fois que je m’assois à cette fontaine, un enfant s’y arrête, attiré par le jeu de l’eau. En Europe, il y a des fontaines vieilles de plusieurs siècles. On peut boire leur eau. Une fontaine devrait pouvoir étancher la soif des voyageurs et des passants. Fontaines, joyaux des villes. Oasis de béton. Il est possible d’insuffler une âme à une fontaine, mais pour cela il faut y boire. Dans la tradition orale, des esprits habitent les fontaines. Deux siècles plus tôt et cette fontaine aurait pu être un lavoir pour les lavandières. J’entends leurs chants, leurs rires. Moments de joie dans une vie de labeur. Comment donner une âme à cette fontaine ? Quel est mon pouvoir ? Note à moi-même encore « C’est le temps que nous prenons pour la rose qui rend la rose si importante ». Et si nous consacrions cette fontaine ? Quel rituel, quelle prière, quel geste pourrions-nous inventer ou réinventer, nous qui avons perdu le sens du sacré des choses ?

À cette fontaine que j’apprends à aimer, j’aimerais voir des enfants patauger, des femmes s’y reposer, discuter, contempler. Ici, l’espace sonore est occupé par l’eau. J’arrête mon regard sur l’eau qui gicle et qui retombe en formes complexes. La nature est la plus grande sculptrice du monde. Cet été, mes pieds iront scruter la fraîcheur de cette eau. Ne dites pas « Fontaine, jamais je ne boirai ton eau. » C’est bien trop triste…

Couchée au bord de la fontaine, nez au ciel, je découvre un nouveau point de vue. 100 fils électriques qui s’entremêlent et un poteau me séparent du ciel. J’essaie d’y déceler un peu de beauté, ou du moins, d’être neutre, sans amour, sans haine, mais pas indifférente. Je ne sais pas encore ce que j’en pense.

C’est la balade des poussettes ce matin. Des dizaines de bébés sur roues, avec des mamans souriantes ou épuisées aux commandes.

La fontaine, c’est aussi la femme au perroquet. Lors de plusieurs soirées chaudes d’été, elle était là, assise dans les marches de la fontaine, son perroquet sur l’épaule. Ils se donnaient sans cesse des baisers. Son prince charmant transformé en perroquet ? Son attribut et compagnon de femme pirate ? Son seul ami sur terre ? Je vois le titre d’un roman pour ados : la mystérieuse femme au perroquet de la fontaine… J’aurais pu lui parler à cette femme… Il y avait la timidité, la peur de déranger, mais aussi, je ne voulais pas briser la magie qui a tant stimulé mon imagination. Je préfère parfois laisser planer les mystères.

Claire Jean

À la claire fontaine, je me déplace pour trouver l’inspiration. Une fable coule. De l’eau pour emporter. Un geyser liquide. Du savon à vaisselle chez madame Fontaine. Des perles d’eau à son cou. Retrouvée sans vie, son puits à sec, morte empoisonnée. Fontaine, je ne boirai pas de ton eau.

S’il y a un orage et que je me cache sous une chute, est-ce que je suis à l’abri de la foudre ? Une chute comme une chevelure lisse que la force de gravité brosse en permanence. Sur le chemin qui mène à la fontaine, Christine et moi on a croisé un rat musqué dans le lac.

On a organisé une rencontre de femmes pour chanter. À notre arrivée, on a vu la fontaine vidée de sa substance.

Alors à nous toutes, 18 femmes,

on a relevé nos manches,

on a chanté ensemble,

on a ri,

on a discuté jusqu’au coucher du soleil

et on a dynamisé la fontaine avec cette eau vivifiante.

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