Le Marché de la Gare

Rue Place de la Gare, le marché, une ancienne gare, hier et aujourd’hui, lieu de passage, de rassemblement, de commerce. Assis sous les arbres près de l’horloge ou devant le marché, ou encore sur l’une des chaises poétiques de l’oeuvre Nulle part ailleurs, de Michel Goulet et Luc Larochelle, la vie est douce. Laissez-vous emporter.

Cet épisode fait partie d’un balado poétique: huit lieux au cœur de Sherbrooke, huit œuvres sonores, à écouter sur place ou dans le confort de votre foyer.

Claire Jean

« Je suis éphémère, mais ma trace est gravée quelque part dans le livre du monde.» La magnifique horloge et le train qui passe nous ont parlé de bilan, et nous ont rappelé le grand passage.

L’année de mes 60 ans, l’année où le monde s’est révélé à moi lors du projet d’écriture d’un balado poétique. L’année où mes oreilles, mes yeux, mes pas et mon intuition m’ont menée à une féminité assumée. Il n’est jamais trop tard. Écouter, regarder, ressentir, écrire. Laisser le temps faire son œuvre, imprégner le corps, l’esprit. Découvrir l’effervescence du lieu qui vit depuis plus d’un siècle avec ses souvenirs enfouis, cachés par le temps.

Peut-on vivre en dehors du temps? L’oiseau chante la course des années. 10-20-30-60 ans. La peau parle, la paupière tombe. La peau lisse d’hier tombe et rejoint la terre. L’abondance du sol riche en insectes de toutes sortes. Nourriture essentielle pour vivre. Assise, calme, je regarde la vie du marché, les passants pressés.

13 juin 2022 : Embarquement, odeur de métal et de goudron. Traverser des pays, regarder les montagnes par les fenêtres du train. L’Orient-Express, le transsibérien, le Canadien National, le Canadien Pacifique, VIA Rail, Mégantic. Grand-papa Arthur, chemineau, où es-tu?

Manger, se nourrir, s’abreuver. Ta présence est vitale. Je vais au marché pour me nourrir de toi.

Christine Bolduc

Il y a des lieux qui nous habitent. Certains deviennent des fantômes aux teintes diaphanes de nos mémoires, elles même teintées de nos perceptions du moment, de l’époque, de l’âge que nous avions, de la joie ou de la souffrance. J’habite un lieu, mais je suis habitée de mille lieux.

“L’avenir écrit dans leurs mains ouvertes balbutie encore.”

Ce qu’il nous reste, ce qu’on lègue, l'espoir qu’on offre. La beauté aussi. L'avenir c’est maintenant et c’est toujours. C’est aussi quand le monde n’existera plus. Que restera-t-il de moi? Que restera-t-il de nous? Ce que j’aurai accroché au bleu du ciel. Ce que j’aurai écrit à l’encre de mon feu. Ce dont je t’aurai abreuvé

“Une manière fragile, une peur bleue.”

Et si nous jetions nos peurs dans le Lac des Nations? Qu’adviendrait-il de celles-ci? La Magog comme le Gange, rivière purificatrice. Et si la rivière Magog était une déesse?

13 juin 2022 : Ailleurs. Quête. Quand ici et maintenant ne suffisent pas. Quand on cherche. Ou parce qu’on trouve. Parfois le bonheur est dans le passage.

C’est le festival des chaises roulantes motorisées. Certaines sont comme des boîtes à musique. Il y a même des rassemblements de monsieur à dentiers.

J’achète, tu vends. On se regarde dans les yeux. Je n’en remarque pas toujours la couleur. Parfois, c’est ton sourire que je vois. À quoi ressemble le son de ta voix?

27 juin 2022 : Des mots sur des chaises. S’asseoir sur des mots. Des mots écrits pour des passants. Des passants qui posent leurs fesses sur ces chaises. J’imprime un poème sur mon derrière: “drôle de tour de rôle”. En effet. Derrière moi, de mauvais saltimbanques. Je préfère un mauvais saltimbanque que pas de saltimbanque du tout.

Un groupe de marcheurs avec une déficience intellectuelle vient de passer. Ils me manquent parfois, ces clowns du réel, ces petites choses fragiles et résilientes, ces lutins enfermés dans un monde qui ne leur ressemble pas.

L’autre, le mauvais clown crie toujours. Il y a des gens pénibles. Je ne veux plus de saltimbanque...

17 octobre 2022 : Ici, je prends conscience d’appartenir à une large communauté. C’est seulement dans un lieu comme celui-ci que je peux prendre le pouls de cette communauté, et me sentir partie prenante. Ici, à part le marché et le bar où on achète, toutes les classes se côtoient. Pas besoin d’être fortuné pour marcher autour du Lac des Nations.

7 novembre 2022 : Un après-midi gris et venteux de novembre. Assise au bord du lac, le vent et l’eau ragent à m’arroser, le ciel menace. Des hommes défont les structures d’été du marché. Je me suis éloignée de la scène, je n’aime pas les au revoir. Les déambulations légères de l’été me semblent déjà loin. Quelques petites cerises tardives écarlates jonchent le muret de pierre, on dirait les baies du houx. Ça me rappelle que Noël s’en vient tout doucement, avec ses retrouvailles et ses défis, ses excès et ses repos. On n’arrête pas la danse du temps. Que me réservent les silences de l’hiver qui vient?

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