La Promenade de la Gorge de la rivière Magog

Entre le Lac des Nations et la Centrale Frontenac, un petit oasis de nature dans le centre-ville, au-dessus de la Magog

Claire Jean

La passerelle, que l’on peut prendre par la promenade qui passe derrière le bureau touristique, rue Richmond, ou par la rue Cliff, c’est la Promenade de la Gorge de la rivière Magog, suspendue au-dessus de la rivière, un lieu unique. Laissez-vous porter par le courant de la rivière.

Cet épisode fait partie d’un balado poétique: huit lieux au cœur de Sherbrooke, huit œuvres sonores, à écouter sur place ou dans le confort de votre foyer.

« Le peuplier faux-tremble donne une voix au vent…L’eau coule, roule, s’écroule, s’enroule, roucoule...» Au rythme de l’eau qui coule, une histoire de guérison, une femme-rivière. La passerelle, que l’on peut prendre par la promenade qui passe derrière le bureau touristique, rue Richmond, ou par la rue Cliff, c’est la Promenade de la Gorge de la rivière Magog, suspendue au-dessus de la rivière, un lieu unique. Laissez-vous porter par le courant de la rivière.

Un acte créatif à l’écrit, à l’oreille, à la sensation. Un projet dont les débuts d’écriture se sont déroulés en février sous des températures glaciales. Nos doigts gelés écrivaient de courts textes. À défaut de chaleur extérieure, nous brûlions d’un feu intérieur nourri de rires et de phrases poétiques. 3 femmes emmitouflées. Un début blanc, glacé. Du sucre en poudre sur nos cils, nos sourcils, nos cheveux.

Et la terre a bougé. La neige a fondu. Tout est rentré dans l’ordre naturel des choses de la vie. Et je me retrouve par grandes chaleurs, cahier sous le bras avec Christine à marcher la ville.

“Que rien ne t’épouvante, que rien ne te trouble. Tout passe.” Sur la passerelle entre le Lac des Nations et la Centrale Frontenac, ces mots traversent mon esprit. La prière d’une sainte. Un S prie.

Sur la passerelle, mon S pris, mon S reste prisonnier. Par qui? Par quoi?

Longtemps coupée du feu créatif, j’y reviens avec une encre enflammée. Des morceaux d’épinettes crépitent et des tisons illuminent le ciel. Le feu siffle.

L’eau de la rivière gigote et coule à mes côtés. L’eau de la rivière n’éteindra jamais le feu qui couve en moi. Ma vie est faite de grands S que j’essaie désespérément d’aplatir pour en faire des lignes droites. Pour trouver un sens à la vie. Un sens unique.

Pourtant le chemin reste sinueux, surprenant, solitaire et sensuel. Sur mon chemin je pose des nids, tout chauds, réconfortants. Je vis ce projet hors du temps, entourée d’oiseaux, de vents, de braises, de chants et de grands éclats de rire.

Christine Bolduc

Où qu’on aille, la présence des autres. Il faut faire avec. De jeunes hommes sont venus pêcher, fin vingtaine début trentaine, jeunes hommes à casquettes. C’est la pêche à l’achigan. La pêche est abondante, le contact est facile. La pêche amène souvent des étrangers à se parler. Je cherche ce que j’ai à dire sur les passages et les transitions. Ici, il y a des fruits et du poisson. Ici, les araignées sont grasses. Mon regard se pose sur le pont. Première fois que je réalise ce lien au lieu...un pont, c’est aussi une transition. Une corneille se pose sur une branche morte. Elle crie. Il y a des transitions lentes et douces et il y a des transitions-tornades, avec des cris et des souffrances. Je trouve rassurant de savoir qu’ici, il y a du poisson et des fruits, et que c’est gratuit. Parfois, dans les périodes difficiles, la nature est quand même là pour s’occuper de nous. Nos pieds foulent encore une structure construite de main d’homme. Le bois y donne une chaleur. Les perpétuelles toiles d’araignée nous disent qu’il n’y a pas foule qui passe ici. Dans ce lieu, que nous avons nommé transition-passage, mes idées sont moins claires. C’est peut-être justement normal. Il faudra réfléchir à une autre approche de création que l’écriture en premier peut-être. J’aimerais savoir il faut combien de pas pour traverser cette passerelle. Pourquoi j’aimerais savoir? Je ne sais pas. Faut-il toujours savoir? Une bande de goélands vole au-dessus de la rivière, tout là-haut. Le soleil fait scintiller leur plumage blanc qui se découpe sur les nuages gris. La bande de corneilles au sommet de l’arbre fait contraste. 17h30, septembre, la lumière transite. Les animaux se préparent pour la nuit qui ne va plus tarder. Nous serons bientôt entre chien et loup. Entre chienne et louve. Dans l’immense masse de nuages gris, des trous de ciel bleu. Les corneilles annoncent l’automne, les mésanges chantent leur Chicadidididi. Des écureuils s’agitent et discutent dans les arbres derrière moi. Un poisson mange un insecte à la surface, les ronds sur l’eau n’en finissent plus. La rivière miroite le ciel. En-t-il flatté?

Cette passerelle en plein centre-ville, juchée sur des échasses au-dessus de la Magog, pourtant discrète et peu connue. Ce lieu est devenu pour moi un lieu de ressourcement à deux pas de chez moi. Quelle chance nous avons. Le sait-on? Moi je ne le savais pas avant de travailler à ce projet.

Sur cette passerelle, les inconnus se disent bonjour plus qu’ailleurs. Partager un passage étroit oblige, le calme du lieu et la berceuse de la rivière aussi. Ici, je suis venue seule, avec un ami, avec ma fille, avec mon amoureux, avec Claire, avec une amie. Je l’ai vu dans les lourdes chaleurs de juillet, dans les nuits fraîches du mois d’août, dans ses habits colorés d’octobre et son ballet de feuilles qui tombent. La nuit, j’ai admiré ses toiles d’araignée accrochées à la barrière près de chaque lumière, garde-mangers regorgeant d’insectes attirés par la lumière. Ici, l’eau suit son cours et invite à la contemplation. Ici, je n’ai pas encore mis le doigt sur ce que nous allons dire.

C’est ici que j’ai eu des illuminations pour l’ensemble du projet et d’autres lieux du circuit. Ici, c’est le silence et le chant des eaux qui me parlent. Ils ne me parlent pas avec des mots, ils ne me parlent pas avec des concepts, ils me parlent avec des couleurs, des impressions, des sensations. Un lieu de passage...

Il est vrai que parfois, lorsque nous vivons de petits et de grands passages dans nos vies, il n’y a plus de mots, ou s’il y en a, ils s’entrechoquent et ils s’affrontent, ils se cherchent et ils se repoussent, ils cherchent leur place et ne savent plus le sens. Je regarde ma fille de 15 ans et me rappelle mon adolescence, ce passage difficile et souffrant. Je me rappelle aussi ma crise existentielle, à la veille de la quarantaine, les séparations douloureuses de mes ami.e.s, les grands deuils, les grands passages professionnels, les processus de guérison de blessures profondes. La rivière me rassure avec son chant d’éternité.

Peut-être que c’est tout ce qu’il y a à dire au fond. La vie suit son cours et l’important, c’est de ne pas se perdre ou du moins, de savoir se retrouver...Et de dire bonjour à ceux qui passent dans nos vies, avec un sourire et beaucoup de bienveillance, car pour tous, la vie est parsemée de passages qui portent leur lot de souffrance, et que ce qu’il nous restera à la fin, c’est la mémoire de nos rencontres, de nos amitiés, de nos amours.

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